L'entreprise Néo-Zélandaise Perpetual Guardian a tenté l'expérience des semaines de travail de 4 jours avec un succès incontestable. Voici le secret de leur recette, et les résultats observés.
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En novembre 2019, un article a mis le feu aux poudres du traditionnalisme des affaires, et LinkedIn s'est embrasé : Microsoft Japon a essayé la semaine de travail de 4 jours, et a observé un gain de productivité de 40%.
Au moment d'écrire ces mots, nous sommes en juin 2020, et cette nouvelle fait encore parler d'elle. Au point où j'ai décidé d'en savoir plus sur la semaine de travail à 4 jours, et de monter le présent dossier.
Mes recherches m'ont notemment dirigé vers un livre blanc ayant été publié par Perpetual Guardian, une entreprise Néo-Zélandaise ayant également fait l'expérience de la semaine de travail à 4 jours. Et elle n'a pas fait qu'expérimenter, elle en a fait un sujet d'étude. L'Université d'Auckland a été impliquée et à contribué à mesurer le succès de cette expérience.
Ce qui suit est un résumé de leurs découvertes, ainsi que quelques interprétations de mon cru.
Quand nous avons commencé, la réaction initiale de tous était "Comment vais-je accomplir tout mon travail en 4 jours plutôt que 5?". Le fait que notre essai indique non seulement qu'ils pouvaient faire leur travail en 4 jours, mais qu'ils pouvaient le faire mieux en 4 jours, est quelque chose que je trouve extraordinairement surprenant. - Andrew Barnes, fondateur de Perpetual Guardian
L'expérience
L'expérience tentée par Perpetual Guardian s'étendait sur une période de 8 semaines et l'objectif était de mettre à l'épreuve la productivité, la motivation et les résultats. Essentiellement, l'idée est de donner 1 journée payée gratuite aux employés chaque semaine.
Les employés travaillent 30 heures par semaine plutôt que 37,5. Le reste, les vacances comme leur paie, ne change pas, mais la condition est qu'ils doivent offrir les mêmes résultats que s'ils travaillaient une semaine normale.
En bref, ils travaillent 4 jours, offrent un rendement équivalent à celui de 5 jours, et sont payés pour 5 jours.
La théorie derrière l'expérience
Le Bureau of Labor Statistics rapporte que la moyenne des américains travaillent 8.8 heures par jour. Or, il indique aussi que de toutes ces heures travaillées, environ 3 heures par jour sont réellement productives. Une étude du Royaume-Uni a précisé cette donnée à 2h53 par jour.
Cette dernière remarque qu'en plus du travail, les employés investissent du temps sur les médias sociaux, à lire, à faire des communications non reliées au travail, à chercher un nouvel emploi, à prendre des pauses, etc.
En gros, 79% des personnes sondées ne se trouvaient pas productives pendant une journée de travail moyenne, et même que 54% des répondants affirmaient que les distractions citées plus haut rendaient leurs journées "plus tolérables".
L'expérience prenait en compte deux autres théories ou "lois" concernant le travail :
La loi de Parkinson, qui présuppose que le travail a tendence à s'étirer pour remplir le temps imparti. Donc, plus on a de temps pour faire le travail, plus il prendra du temps à faire.
La loi du 80/20, qui présuppose que 80% de la productivité se fait en 20% du temps investi. Le reste est du bruit, peu ou pas important.
Les règles de l'expérience
Les règles de l'expériences n'étaient pas nécessairement toutes connues dès le départ. Le livre blanc est en fait un retour d'expérience de la part de plusieurs parties prenantes, et beaucoup de lignes directrices ont émergé à mesure que l'expérience avançait.
Mais je vais tenter de vous faire un portrait le plus complet possible de ce qui semble avoir été le plus important.
Les prérequis nécessaires
Une ligne directrice de productivité
Une culture d'entreprise flexible
L'engagement ferme de la direction autant que des employés
La volonté de réviser régulièrement les résultats
Clarifier les intentions dès le départ
Que vous souhaitiez augmenter l'engagement et la productivité, réduire l'absentéisme et le présentéisme, augmenter la rétention ou la motivation, attirer des candidats de qualité, atteindre une meilleure culture et santé organisationnelle ou augmenter vos revenus, vos intentions doivent êtres exposées à tous le plus tôt possible.
Le plus tôt les gens sont exposés aux intentions, meilleur est l'engagement et meilleurs sont les résultats de l'expérience.
Ne dirigez pas le tout d'en haut
Dans presque toutes les études de cas inclus dans le livre blanc, il est mentionné et répété : n'imposez pas la façon de faire. La participation des employés dans comment se passeront les choses est essentielle et primordiale.
Impliquez tout le monde dès le début dans la discussion, la réflexion sur les façons d'optimiser la productivité. Laissez les individus et les équipes trouver des façons qui leurs sont propres pour réussir à atteindre les mêmes résultats en moins de temps, et montrez vous digne de cette confiance que vous leur offrez.
Soyez transparents avec vos clients
Ne gardez pas vos clients dans l'ombre. Avertissez-les de l'expérience que vous faites, et rassurez-les sur le fait que l'objectif reste aligné sur une satisfaction totale de leur part.
L'étude note que cette transparence avec les clients a également suscité des discussions chez les clients de Perpetual Guardian quant à l'engagement de leurs employés.
Au cours de l'expérience
Voici quelques observations ayant été notées au cours de l'expérience.
Auto-gestion des initiatives
Les employés et les équipes ont apporté bien des hypothèses dans leur expérience, et les ont vérifiées pendant ces 8 semaines.
Certaines équipes ont proposé de maintenir les meetings à un maximum de 30 minutes, et de voir ce qui se passerait.
Le résultat : les rencontres avaient tous des objectifs très clairs, aucune différence n'a été ressentie car la productivité a également augmenté dans les meetings, ainsi que l'engagement envers le précieux temps des autres.
Bref, les gens ne se faisaient plus inviter à des meetings où ils n'apportaient pas de valeur.
L'expérience a immédiatement généré une conversation sur la productivité et les équipes ont réfléchi consciemment à ce qu'elles faisaient et comment elles le faisaient. - Christine Brotherton, Responsable du personnel
Augmentation de la confiance
Les gens, bien que sceptiques au début, on rapidement senti leur confiance augmenter étant donné leur implication très tôt dans la discussion.
Les membres de la direction, ayant pris une posture de support plutôt que de dirigeants, ont largement contribué à la diminution du sentiment d'être "un rouage dans une machine bien huilée", les employés se sentant comme contributeurs dans un projet important, ce qui a réhumanisé leur rapport au travail.
Après tout, c'était leur transformation vers une semaine de 4 jours.
Traiter les gens en adultes
Cela va peut-être de soi quand on y pense, mais ce n'est pas toujours aussi évident que ça en a l'air. Il est facile de céder à la tentation de prendre des décisions pour les employés indécis ou moins engagés.
Nous avons été traités comme des adultes et je pense que le résultat est que tout le monde se comporte comme des adultes et est prêt à surmonter tous les défis qui pourraient survenir. - Tammy Barker, Directrice de succursale
Augmentation de la collaboration
Les observateurs externes de l'Université d'Auckland ont pu observer une augmentation flagrante de la collaboration des employés, autant avec la direction qu'entre eux.
Il y a beaucoup de façons d'implémenter pour les organisations des initiatives d'heures de travail réduites, mais le plus important était le fait que Perpetual Guardian a, sans aucune réserve, inclus les gens qui seraient affectés. - Docteure Helen Delaney, du Département de Gestion et des Affaires Internationales de l'Université d'Auckland
Ceci a contribué à créer des relations sociales plus collaborative entre les gens. Des discussions concernant le besoin de s'entraider, d'assurer ses arrières entre collègues ont commencé à avoir lieu.
Cette interdépendence a dépassé les limites des équipes et s'est étendu aux gestionnaires, qui ont du s'appuyer davantage sur leurs employés et déléguer plusieurs de leurs tâches. Cela s'est soldé par une augmentation du respect et de l'appréciation envers eux.
L'ingrédient secret
L'un des aspect les plus importants a été souligné assez rapidement, presque subtilement, dans le livre blanc, et c'est ici que j'ajoute mon grain de sel.
Considérons ces passage du document.
Le plus gros problème pour toute entreprise envisageant d'adopter la semaine de quatre jours se situe au niveau conceptuel, car notre cadre législatif pour les employés est basé sur le paiement des heures travaillées ou le paiement d'heures fixes. Cette politique remet en question ces normes car elle met l'accent sur la productivité plutôt que sur le temps passé à travailler.
Cela est, pour moi, l'une des variables les plus importantes de cette expérience. Nous sommes tous habitués à être payés pour une semaine comptant un nombre d'heures fixe.
Cependant, être payé pour un nombre d'heures ne tient plus dans cette équation, car les employés doivent produire l'équivalent de 5 jours de travail en 4 jours.
Le seul moyen pour que cela fonctionne est de les payer pour les résultats qu'ils apportent, et non pas pour le temps qu'ils passent au bureau. Notez bien cela, car non seulement c'est primordial pour ce cas-ci, mais ce l'est également lorsqu'on parle du télétravail et du travail à distance.
Le fait que cette entreprise ait du faire ce changement de mentalité signifie beaucoup de choses.
Est-ce qu'un patron vous a déjà dit "Tu n'as plus de travail? Tiens-toi occupé, trouve quelque chose à faire...". Nous avons tous entendu ça un jour ou l'autre.
Cela est un effet direct du fait d'être payé pour un montant d'heures fixes. Mais cela représente surtout une admission que c'est tout à fait correct de faire du travail qui n'a aucune valeur, ce qui est important c'est de faire ses heures, on vous paie pour ça.
J'ai émis l'hypothèse suivante : les sessions de brainstorm des équipes Perpetual Guardian pour trouver des moyens d'augmenter leur productivité en moins de temps a nécessairement du inclure une élimination des tâches à moindre valeur.
Le travail qu'on fait "pour être occupé" n'a simplement plus sa place si l'objectif est d'offrir un rendement de 5 jours en 4 jours. En fait, tout ce qui ne propulse pas l'entreprise vers l'avant est rapidement remis en question.
Mon hypothèse, donc, est que plusieurs équipes ont du procéder à une purge intense du travail sans valeur et à basse valeur, afin de ne garder que l'essentiel : ce qui a un impact significatif, ce qui assure un rendement positif de l'entreprise, ce qui assure une satisfaction client.
Le travail n'ayant pas de valeur, que nous aimons appeler, chez Go Pyrate, le bullshit work, a peut-être enfin trouvé sa belle mort dans une environnement orienté vers les résultats.
Pour valider mon hypothèse, je me suis connecté avec Andrew Barnes, le président de Perpetual Guardien, via LinkedIn, et je lui ai posé la question. Voici ce qu'il m'a répondu :
Une grande partie du processus demandait à ce que les employés portent attention à ce qu'ils faisaient, et décident les tâches qu'ils devraient approcher différemment, et celles qu'ils devaient cesser de faire, pour pouvoir faire le travail en 4 jours plutôt que 5. La résultante a été que les activités non-productives qui gaspillaient du temps ont été éliminées. Par exemple : les meetings trop longs, les interruptions, etc.
En gros, les employés ont simplement cessé de faire les activités qui n'apportaient pas de valeur à leur travail.
Les résultats de l'expérience
Voici quelques chiffres provenant des indicateurs de cette expérience et qui parlent d'eux même.
Pendant l'expérience, la performance d'une semaine a bel et bien été maintenue en 4 jours.
Le niveau de stress des employés est passé de 45% à 38%
La satisfaction de l'équilibre travail/vie personnelle est passé de 54% à 78%
La perception du leadership est passé de 64% à 82%
La perception de l'engagement est passé de 68% à 88%
La perception de la stimulation est passé de 66% à 84%
La perception de l'empowerment est passé de 68% à 86%
Ces bienfaits sont en plus du fait qu'une journée de plus pour soi représente une augmentation de 50% des jours qu'on ne passe pas au bureau!
Beaucoup des employés en ont profité pour investir ce temps dans eux-même alors que les enfants sont à l'école, ont recommencé à faire du sport ou ont reconnecté avec un ancien hobby. Et les avis sont clairs : les employés sont prêts à se donner davantage en échange de cette journée extra.
Et je ne vous dis pas à quel point cela jouera sur la rétention. Pourront-ils retourner faire du 5 jours semaine dans d'autres entreprises, maintenant?
5 points à retenir
Le livre blanc se termine avec une liste de 15 points à retenir pour initier votre transition vers les semaines de travail de 4 jours.
Effectuez vos propres recherches, en-ligne ou localement.
Parlez à vos employés, et soyez clair quant à vos objectifs et à ce que vous tentez de mettre en place.
Impliquez vos employés dans tous les aspects de la conception et de l'implémentation de votre expérience.
Donnez assez de temps et d'espace à vos employés pour qu'ils puissent réfléchir à la façon dont ils pourraient travailler différemment.
Assurez-vous que votre politique est bien soutenue et dotée des ressources nécessaires.
Soyez audacieux et ne laissez pas les défis techniques vous arrêter dans la mise en place de votre politique.
Créez une politique pouvant être flexible selon la charge de travail, les projets et les requis des clients.
Encouragez vos employés à trouver leurs propres mesures de productivité individuelles.
Encouragez vos employés à considérer les façons de restructurer les "temps morts" dans leurs équipes.
Donnez à vos employés ce qu'ils ont besoin pour prendre leurs propres décisions et ayez confiance qu'ils adoptront la meilleure approche.
Engagez des consultants externes ou des chercheurs pour mesurer et évaluer votre expérience.
Informez vos clients de ce qui se passe, et rassurez-les sur le fait qu'il n'y aura pas de baisse de service.
Assurez-vous que votre nouvelle structure ne brise aucun requis légal.
Soyez clair à l'effet que cette initiative doit bénéficier autant à l'entreprise qu'aux employés
Reconnaissez que les initiatives de travail flexible ne sont pas une recette magique.
Bonne transformation!
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