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Le dernier voyage d'un Pyrate libre

Dernière mise à jour : 29 mars 2023

Avant de vous précipiter pour nous envoyer vos bons voeux en message privé, par courriel ou par téléphone, veuillez lire le chapitre "communiquer vos condoléances".


Si vous voulez surtout savoir ce que vous pouvez faire dans l'immédiat, veuillez lire le chapitre "ce que vous pouvez faire pour aider".




Départ de Maurice

Ce vendredi, 24 mars au matin s'est éteint mon meilleur ami, mon associé, mon partenaire, mon frère d'armes, le capitaine que j'aurais suivi jusqu'en enfer, Maurice Lefebvre.


Il a été diagnostiqué avec un lymphome cancéreux assez récemment, en décembre passé, bien qu'il en montrait des symptômes importants depuis plusieurs mois. Ce lymphome était agressif, demandant un traitement également agressif. Si certaines personnes ont des traitements demandant quelques heures de chimiothérapie par semaine, Maurice recevait de la chimio pendant une semaine sans arrêt, à chaque 3 semaines.


Lors de son dernier cycle de chimio, un joueur inattendu s'est invité : Covid-19.


Ayant un système immunitaire complètement affaibli par sa chimio, Maurice est entré à l'urgence il y a quelques jours. Sa situation était pas le fun, mais stable. Mais Covid a causé un choc septique, résultant en une importante baisse de pression. Il n'en est pas réchappé.


Je n'étais pas prêt. Même si on le sait que c'est une possibilité, on préfère la mettre de côté. On a pas de contrôle là-dessus de toute façon, alors on décroche et on espère. Mais c'est tombé comme une tonne de brique.


Ce n'était pas facile pour lui, d'avoir de la difficulté à se déplacer. Je l'imaginais prisonnier de son cerveau. Toujours en train de réfléchir à la prochaine étape, à comment avoir un impact, et ne pas être dans l'action, ça devait être terrible pour lui.


Il n'était plus le Maurice que je connaissais. Mais il était sans cesse en train de réfléchir à comment on ajusterait notre mission pour avoir plus d'impact lors de son retour. Et moi, plus passif, j'attendais son retour pour me pencher là-dessus. Je suis en mode stand-by depuis quelques mois. Et là je me retrouve face à un mur, sans points de repère.


Le plus difficile a été de lui dire au revoir sans qu'il m'entende, sans qu'il réponde. À court d'options, dans la salle des soins intensifs, je me suis dirigé vers le tableau blanc, j'ai pris le crayon rouge, et j'ai simplement écrit "Go, Pyrate...".


Maurice laisse dans le deuil sa petite famille : sa conjointe Marie, sa fille Ariane (10 ans) et son fils David (20 ans), ses parents et sa soeur. Sans compter ses amis, une joyeuse bande de pyrates qui croyaient la même chose que lui, tous ceux qu'il a mentorés, et plusieurs centaines de fans.


Notre rencontre

C'était en avril 2017. J'étais encore un Scrum Master avec le nombril vert. Bien battu, incapable d'avoir l'impact que je voulais, mais avec tant d'espoir. Tentant de me faire un nom, j'assistais à environ une conférence par semaine, pour apprendre et pour réseauter.


Cette semaine là, il y avait une conférence à la Maison Notman, sur Sherbrooke à Montréal. La conférence portait sur "Les DDO : Deliberately Developmental Organizations". Des entreprises qui font du développent de compétences délibéré et drastique en utilisant la transparence extrême et où tout le monde sort volontairement de sa zone de confort, du concierge au PDG. C'est Maurice qui donnait la conférence. Voyant l'annonce de cette conférence, j'ai trouvé Maurice sur LinkedIn, et je l'ai ajouté à mon réseau quelques jours avant l'événement. Maurice m'a rapidement proposé d'aller prendre une bière. Je trouvais ça drôle, surtout quand j'ai su pourquoi.


Il se demandait comment un expert comme lui, qui a écrit des articles sur des approches complètement émergentes du travail ne réussissait pas à avoir plus qu'une dizaine de likes, et que moi, le petit Scrum Master qui a partagé deux ou trois articles avec rien de nouveau avait réussi à en récolter plusieurs dizaines, voire des centaines.


Je n'ai toujours pas de réponse à cette question aujourd'hui, mais je suppose que c'est en lien avec le fait que ses articles s'adressent généralement à des gens qui sont au même niveau que lui : des gens qui pensent en système, des philosophes systémiques, des futuristes sociaux. Moi, je m'adressais au commun des mortels, ce que Maurice a toujours eu de la difficulté à faire.


Le lendemain, donc, on se revoit à la maison Notman pour sa conférence. Commençant moi-même à être allergique aux milieux très traditionnels, il y a eu un déclic pendant que j'écoutais. Si la conférence de Maurice avait présenté quelque chose de marginalement différent, peut-être que rien n'aurait été plus loin.


Mais ce que Maurice a partagé ce soir-là, c'est quelque chose qui allait à 180 degrés de l'entendement. Quelque chose de frais. Maurice avait non seulement parlé d'une théorie différente de tout ce qu'on connaît, mais en plus il avait pu prouver que ça fonctionnait.


Après la conférence, on a échangé nos numéros de téléphone. Et pendant que j'étais sur le chemin du retour, en métro, je lui ai envoyé cette photo:

Nous sommes restés en contact. Il passait souvent par le centre-ville, on allait prendre des bières. Un jour, c'était en juin 2017, il me présente un projet.


C'était la structure initiale qui allait éventuellement devenir "Le Havre Pyrate", un projet qu'on a jamais réussi à mener jusqu'au bout. Et il me dit "Est-ce que ça te tente de participer au projet?"


Bien sûr que oui.


En attendant que ça se développe, Maurice m'a coaché de façon professionnelle. M'a fait dire tout haut "Fuck it, plus jamais je vais endurer qu'on me traite de la sorte", par rapport aux environnement de travail toxiques dans lesquels on t'attache après ta chaise et on t'enferme dans ta boite pour limiter ton impact.


J'aime dire que Maurice a fait un "atomic wedgie" avec ma carrière. En quelques mois, je suis passé du Scrum Master bien battu qui prend son trou et connaît sa place, au gars qui a décidé que les gens qui se font traiter comme de simples exécutants au travail, c'est fini. J'avais trouvé ma mission. Du moins, un prototype de mission.


J'ai changé d'emploi et je suis devenu gestionnaire qui mettait les gens au coeur de tout, juste pour montrer que ça marche. Après un an, ça marche. J'ai pus rien à faire là : je dois exporter ça ailleurs. C'est à ce moment que je rejoins Maurice, et son associé de l'époque, Axel, chez Moabi.


Moabi, c'était essentiellement une micro-agence de consultation. On se trouvait des mandats, on centralisait l'argent et on se payait avec ça. C'était bien. Mais il y avait un clash de valeurs qui a fini par exploser au grand jour. Maurice et moi on était là pour l'impact et pour changer le monde, quitte à pas faire trop d'argent. Cet engagement envers la cause ne faisait pas l'unanimité. Face à cette divergence de priorités, Maurice et moi avons dû faire chemin à part.


La naissance et l'évolution de Go Pyrate!

C'est à ce moment qu'on a fondé Go Pyrate. Nous avons repris les bases du Havre Pyrate, qui n'avait jamais vu le jour, et avons décidé d'y aller à fond de train avec l'imagerie pirate. Au départ, ça se voulait une compagnie privée qui ferait des transformations en entreprise, des formations et des ateliers pour amener les organisations vers une pente beaucoup plus progressiste. Moins d'hiérarchie, moins de bureaucratie, plus d'impact, plus de liberté.


3 mois plus tard : Covid. Pandémie. Confinement. Toutes les pistes de clients s'évaporent.


Après 2 mois à ne rien faire, pendant le confinement, on se dit : on a une expertise, on fait quoi avec? Et comme la moitié du monde entier se partait des podcasts, on a décidé de faire la même chose. On a commencé à donner nos connaissances, et si les gens ou les entreprises voulaient aller plus loin, ils pourraient nous demander notre aide.


Quand la vie presque normale est revenue, il était temps de reprendre le gouvernail et de trouver notre prochaine mission, outre le podcast. Moi, je voguais de mandat en mandat, pour rapporter des sous. Maurice, qui se faisait rejeter plus souvent (trop d'expérience pour les postes généralement ouverts, vision trop différente de ce qu'on veut d'un consultant), se concentrait à développer nos pistes de prospérité, puisqu'il était un entrepreneur en série.


J'ai toujours su qu'on faisait la bonne chose, parce qu'avec cette dynamique, les deux, on se sentait mal. Moi je me sentait mal de ne pas contribuer davantage à préparer notre futur, étant emprisonné dans le quotidien de la consultation. Maurice se sentait mal de ne pas rapporter autant d'argent que moi. C'était important pour lui qu'on puisse vivre correctement, c'était important pour moi qu'on soit libres et qu'on ait le plus d'impact possible. Et vice-versa.


On appelait ça la roue de hamster. Le cercle vicieux qu'on a tenté de briser tellement de fois, pratiquement toujours en nous cassant les dents. Comme le rapporte si bien le film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain : "Les temps sont durs pour les rêveurs"...


En fin 2020, on décide de devenir un organisme à but non-lucratif. Pour plein de raisons, notamment pour être plus en phase avec nos valeurs.


Fin 2021, on se fait fermer plein de portes au nez. On met la clé dans la porte. Mais quelqu'un, qu'on estime beaucoup et qui croyait en nous et en ce qu'on faisait nous a convaincu de ne pas tourner la clé. Je suis content qu'on ne l'ait pas fait.


Dépités, on retourne en mandats en début 2022 pour remplir le coffre. Il s'en est passé des choses cette année-là, notamment la rédaction du Manuel Pyrate, et la réalisation que nous n'avions plus la moindre parcelle de croyance en la fâble du "capitalisme bienveillant".


En automne, épiphanie : on réalise que nous n'avions peut-être pas à tout créer from scratch, et que des options déjà en place existaient, et permettaient aux gens de s'affranchir de la dynamique dominant/dominé du travail, tout en ayant un apport positif pour la société: les coopératives de travail. On savait déjà que ça existait, mais on avait des préjugés non-fondés que, avec le recul, j'aurais bien voulu réfuter plus tôt.


Cette redécouverte des modèles juridiques alternatifs nous a montré notre voie. Dans une coopérative de travailleurs, pas de patrons. Juste des employés propriétaires. Pas d'extraction de valeur de tout, de partout et de tout le monde, mais un objectif clair : la création de bons emplois, décemments payés, dans lequel chacun a une voix dans la destinée de l'organisation. Une structure déjà en place, déjà fonctionnelle auprès des gouvernements. Mais aussi une option majoritairement inconnue ou ignorée par la population en général. Avec cette réalisation, l'économie sociale et les coopératives de travail ont fait leur place au coeur de notre message et de notre mission.


Avec nos talents de vulgarisateurs et de communicateurs, on s'est dit qu'on avait notre rôle à jouer là-dedans. Jusqu'à ce que Maurice apprenne son diagnostic de cancer.


Au total, on aura enregistré environ 155 épisodes de l'émission Go Pyrate! ensemble, Maurice et moi. On en aura fait des nuits blanches à se demander ce qu'est notre prochaine étape.


Et ces nuits blanches, je vais encore en faire dans les temps qui viennent. J'ai une pléthore d'options devant moi, mais aucune ne me plait réellement car Maurice ne peut pas en faire partie. Je me donne quelques mois pour décider de la suite, et je ne déciderai pas seul : les membres du C.A. de Go Pyrate sont là pour m'appuyer, et les membres de notre communauté Patreon sont là aussi pour m'appuyer, et pour co-créer la suite.


Maurice n'ayant pas réellement pu exprimer de dernière volonté, je sais quand même ce qu'elle était. Quand il était malade, il n'a cessé de répéter : "Ne m'envoyez pas de prières ou de bons sentiments. Continuez le combat". Et maintenant, je dois trouver ma façon de le faire, seul, en groupe, ou les deux.


Communiquer vos condoléances

Maintenant, il est important de comprendre que ni moi, ni la famille de Maurice n'avons l'énergie, le moral ou le temps, en ce moment, pour lire des dizaines de messages de condoléances.


SVP RESPECTEZ NOTRE SOUHAIT ET RETENEZ-VOUS DE NOUS ÉCRIRE DES MESSAGES PRIVÉS À CET EFFET.


Tout au bas de cette page, il y a un formulaire pour laisser un commentaire. SVP veuillez l'utiliser pour laisser vos condoléances sur cet article. Marie, sa famille et moi-même pourront les lire en temps et lieu, lorsque nous seront prêts, la tête et le coeur en paix.


Ce que vous pouvez faire pour aider

Maurice était catégorique à cet effet, peu importe ce qui arrivait, son souhait était que l'on continue son combat : prendre action pour aider quelqu'un, n'importe qui, ou faire du bien à la société. Comme Maurice n'avait pas grand biens matériels à léguer, il était important pour lui d'avoir un lègue moins matériel mais ayant un impact positif sur les gens. Le lègue de Maurice, c'est essentiellement le Manuel Pyrate.


La communauté des Pyrates et moi-même avons organisé une levée de fonds pour soutenir la famille de Maurice. Vous pouvez contribuer ici : https://www.gofundme.com/f/maurice-lefebvre


Autrement, voici quelques idées pour honorer les derniers souhaits de Maurice, c'est à dire, prendre action pour créer un mouvement de changement positif.

  • Faites un don à un organisme caritatif de votre région. Si vous n'en connaissez pas, nous avons un faible pour l'organisme L'entraide chez nous, situé tous près de notre siège social, et que nous voulions aider, mais nous n'avons pas pu le faire étant donné le diagnostic de Maurice.

  • Offrez quelques heures de votre précieux temps à une organisation locale comme bénévole.

  • Aidez une personne à se sortir d'un environnement de travail toxique. Présentez-la à vos recruteurs et gestionnaires préférés.

  • Informez-vous sur les entreprises alternatives de votre région. Trouvez les OBNL, les coopératives de travail (ou autres formes de coopératives), les entreprises d'économie sociale, et voyez à faire en sorte qu'elles soient connues.

  • Si vous pouvez, changez vos habitudes de consommation pour encourager davantages d'entreprises issues de l'économie sociale ou coopératives.




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